Jurançon

 Le Vignoble de Jurançon

Jurançon est l'un des quatres vignobles majeurs du piémont Pyrénéen (Irouléguy, Jurançon, Limoux et Côtes du Roussillon).

Sa particularité est de proposer uniquement des vins blancs (secs, moelleux et liquoreux). Mais ce sont bien les grands vins moelleux et liquoreux qui ont fait la réputation du Jurançon.

Un ensemble de conditions climatiques exceptionnelles et un encépagement adapté ont donné naissance à ces vins doux parmis les plus exceptionnels au monde. Ce sont des vins de passerillage par excellence plutôt que de botrytis.

Le Jurançon est associé au roi de France Henry IV dont on humecta les lèvres de Jurançon à son baptème en 1553.

Image 1. Le roi Henry IV (1553-1610)

Image 2. Le Jurançon liquoreux et sa belle robe dorée

Plan :

1. Appellations et styles des vins
2. Accords mets-vins
3. Localisation
4. Surface
5. Cépages
6. Climatologie
7. Sols
8. Topographie et techniques viticoles spécifiques
9. Carnet de dégustation
10. Domaines recommandés

1. Appellations et Styles des vins

Il existe trois appellations en Jurançon qui correspondent à trois styles :

• AOC Jurançon sec : uniquement des blancs secs. Alcool potentiel minimum du moût : 11° vol. Majorité de cépage Gros Manseng, complété de Petit Manseng, plus d'autres cépages minoritaires. Maximum 60 hl/ha.

Style : ce sont des vins à la robe claire et brillante, aux arômes de citron, d'ananas et de fleurs blanches et pour les plus ambitieux de noisette. Leur structure est marquée par une nervosité qu'apportent les deux Manseng et un profil droit. Idéaux sur les produits de la mer ou en apéritif. Ce sont des vins à boire dans les 6 ans après vendange.

• AOC Jurançon : blanc moelleux. Issu de tries successives. Alcool potentiel minimum du moût : 14° vol.. Teneur en sucres résiduels minimum : 40 gr./l. Equilibre entre Gros et Petit Manseng, plus les cépages secondaires. Maximum 40 hl/ha.

Style : robe or clair jeune puis or profond et cuivré. Arômes caractéristiques d'ananas, de mangue, de fruits jaunes, de miel, de caramel en jeunesse. Après 8 ans les arômes tertiaires se développent : praliné, truffe, noisette, caramel au beurre, café....

• AOC Jurançon Vendanges Tardives : Vin liquoreux. Issu de tries successives. Récolte à partir du 02 novembre. Alcool potentiel minimum du moût : 17° vol. Teneur en sucres résiduels minimum : 55 gr./l. Chaptalisation interdite. Issu des seuls cépages Petit Manseng et Gros Manseng. Majorité de Petit Manseng. Elevage en barriques généralisé. Elevage pendant minimum  un an et demi.

Style : robe or profond dès l'embouteillage. Les arômes de passerillage poussé sont naissantes même en vin jeune : caramel au beurre, ananas, miel, et après 8 ans des arômes intenses de praliné, de café et de truffe...

2. Accords mets-vins

• Les jeunes Jurançon sont de bons compagnons pour les desserts aux fruits exotiques, le foie gras, les fromages bleus.

• Les vieux Jurançon accompagneront les desserts aux noix et noisettes, au praliné, le foie gras. 

Image 3. Ce "Russe" (crême pralinée) sera parfaitement accompagné d'un vieux Jurançon vendanges tardives

3. Localisation

Outre la petite ville de Jurançon, on peut dire que c'est Pau qui est la capitale du Jurançon. Nous sommes dans la région "Aquitaine" et plus précisément dans le département des Pyrénnées Atlantiques, dont Pau est la préfecture.

Image 4. Localisation de Pau sous l'influence de l'Atlantique

Les vignobles s'étendent au sud de Pau, sur une bande d'orientation Nord-Ouest / Sud-Est d'une largeur d'environ 40 km pour une profondeur d'environ  15 km. Cette bande est délimitée au nord par le Gave de Pau et au Sud par le Gave d'Oloron.

Image 5. Le vignoble s'étend d'Est en Ouest entre Rébénacq et Mourenx et du Nord au Sud entre Pau et Oloron Sainte-Marie

  

4. Surface

 Le Jurançon est un vignoble de poche avec seulement 1000 ha de vignes plantées pour 6000 ha plantables.

C'est une viticulture extensive, tout le contraire d'un paysage comme le bordelais, océan de vignes, ici seules les meilleures expositions sont plantées et il faut chercher les vignes disséminées aux creux des collines entre les ilôts de forêts...

Image 6. Vignobles parsemés entre champs et forêts, environs d'Aubertin

5. Cépages

Les cépages principaux du Jurançon sont le Gros Manseng (65 % des plantations) et le Petit Manseng (30 % des plantations). Dans chaque domaine viticole, les cépages principaux doivent représenter minimum 50 % de l'encépagement.

Ces deux cépages sont particulièrement adaptés aux conditions du Jurançonnais (pluviométrie élevée de 1115 mm/an) + long passerillage sur souche = gros risques de pourriture grise. Or ces deux cépages ont des pellicules très épaisses qui leur permettent de résister aux attaques du botrytis et de concentrer leurs sucres jusqu'en décembre en conservant leur pellicule intacte.

Les cépages secondaires sont : le Courbu, le Petit Courbu, le Lauzet et le Camaralet de Lasseube. Ces cépages secondaires sont peu présents.

A noter que tous ces cépages sont originaires du piémont Pyrénéen et que le PManseng et le GManseng ont une parenté génétique.

Les Jurançons Vendanges Tardives sont réalisés presque exclusivement à partir de Petit Manseng, car c'est le cépage qui conserve le plus d'acidité malgré une maturité très poussée.

Image 7. Grappes de Petit Manseng à maturité avant passerillage

Image 8. Petit Manseng après passerillage, la pellicule reste intacte et on imagine déjà les effluves caramélisées du nectar...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

6. Climatologie

Le climat  est de type océanique tempéré.

Le vignoble se situe en effet à 100 km à l'Est de l'Atlantique et bénéficie de son influence modératrice.

Jurançon se situe pourtant à la frontière Espagnole, très au Sud de la France et des zones 150 km plus au Nord-Est telles Toulouse ont un climat beaucoup plus chaud et sec avec une continentalité plus marquée.

Ainsi, pas de températures extrêmes à Jurançon, une certaine douceur, et une forte nébulosité due à l'accrochage des perturbations venant de l'Atlantique sur les Pyrénées.

• La température annuelle moyenne est de 13°C.

• L'ensoleillement est de 1900 heures/an, période modérée en conséquence de la forte nébulosité récurrente.

• Les précipitations sont élevées : 1115 mm/an et rendent la topographie (pentes) essentielle pour limiter les conséquences sanitaires (pourriture, dilution).

La proximité des Pyrénées enneigées implique des risques de gelées au printemps.

Image 10. Les automnes doux propices au passerillage

Image 9. La rigueur de l'hiver Pyrénnéen à Jurançon

 

 

 

 

 

 

 

 

Spécificités Climatiques

L'adossement du vignoble au nord de la chaîne Pyrénéenne crée des conditions idéales pour favoriser la surmaturation saine des grappes.

• Le Foehn : Jurançon bénéficie en effet du vent de "Foehn" qui provoque un réchauffement de l'air descendant des Pyrénées du Sud vers le Nord.

Le vent de foehn est chaud et sec.

Ce vent assainit le vignoble à l'automne et accélère le passerillage naturel des grappes.

Image 11. Processus de formation du Foehn, l'air descendant est plus chaud et sec (Crédit Wikipedia)

• L'altitude moyenne de 200 mètres du vignoble qui rafraichit également les températures au printemps et à l'automne.

7.  Sols

Le vignoble se situe à la jonction du bassin Aquitain et des montagnes Pyrénéennes. Cette origine se reflète dans la variété des sols rencontrés.

On peut les classer en 3 zones. Reportez-vous à  l'image 5 pour repérer les communes citées : 

• Au Nord / Nord-Ouest : latitudes de Monein et Arbus avec des sols de Molasse, spécifiquement Aquitaines. On les retrouve dans tous les vignobles Aquitains, formés au pied de la chaîne Pyrénéenne. Elles peuvent atteindre par endroits en Aquitaine une épaisseur de 1500 mètres.

Ces molasses sont mélangées de galets et graves, qui couvrent les hauts des coteaux et se mélangent au bas des pentes aux molasses.

Image 12. Molasse, Suisse (Crédit Abaddon1337, Wikipedia)

• Au centre  : Latitudes de Lucq-de-Béarn (Ouest) et Jurançon (centre) où dominent les poudingues dites de Jurançon.

C'est une zone intermédiaire entre les 2 autres. Ici aussi les hauts de coteaux sont recouverts de graves et galets anciens qui se mélangent au bas des pentes aux poudingues.

Image 13. Poudingue, USA (Crédit photo Daniel Mayer, Wikipedia)

• Au sud : Latitudes de Lasseube (sud) jusqu'à Rébénacq (sud-est) où les sols sont plus spécifiquement pyrénéens : Flysch gréso-argileux, calcaires de Lasseube, marnes, sables.

Image 14. Falaise de Flysch, Pyrénées-Atlantique (Crédit Anthony Saphon, Wikipedia)

8. Topographie et techniques viticoles spécifiques 

Zones topographiques spécifiques

Deux grandes zones topographiques se distinguent :

• La zone Nord / Nord-Ouest (Monein) avec des coteaux aux pentes douces, où la molasse, substrat  tendre, a été très érodée.

Image 15. Coteaux aux pentes douces des environs de Monein, au Nord-Ouest de l'appellation, altitude 220 mètres

• La zone Sud / Sud-Est (Lasseube, Bosdarros) où les côteaux sont plus abruptes et les cirques plus marqués car les substrats plus durs (Flysch, calcaire) ont été moins érodés.

Image 16. Coteaux plus pentus, relief plus vallonné, aux environs de Lasseubetat, sud de l'appellation, altitude 320 mètres.

Influences topographiques spécifiques

 

Les fortes contraintes climatiques (précipitations élevées, ensoleillement modéré, températures modérées) impliquent la sélection des terroirs les plus qualitatifs. Ceux-ci sont choisis selon les critères suivants :

• Exposition sud, sud-est ou sud-ouest
• Pentes pour favoriser le drainage des précipitations
• Hauts de pentes où l'effet de foehn est plus présent
• Vignes plantées en "hautains" : taille haute pour éviter les gelées de printemps 

Image 17. Un magnifique cirque caractéristique de Jurançon, exposition Sud parfaite, belle pente drainante et haut du coteau planté, le bas du coteau reste boisé car plus sensible aux gelées printanières.

 

Image 18. Coteau typique de Jurançon avec une topographie propice

Image 19. Vignes conduites en hautain pour éviter les gelées de printemps

9. Notes de dégustation

 

Domaine de Souch, cuvée Marie Katalyn 2006 (dégusté le 01.10.12).

Robe dorée, éclatante, cristalline, brillante.

Le nez est fin et discret, principalement sur des notes miellées, légèrement torréfiées et légèrement fruitées (ananas). On sent le vin entre deux phases, les arômes tertiaires de torréfaction, de caramel sont juste naissants, le vin se cherche.

En bouche, le maître mot est fraicheur et ses serviteurs sont l'équilibre et la pureté. Le vin glisse, le sucre se fond parfaitement à l'acidité. L'équilibre est moelleux,  pas liquoreux, on sent la pureté du jus. Beaucoup de miel en rétro-olfaction.
La finale est marquée par une certaine chaleur, assez étonnante en comparaison des sensations fraîches ressenties auparavant, mais l'acidité reste très équilibrante. Belle longueur, sur le miel et le torréfié.

C'est bon mais pas très bon. Ce le sera d'ici 5 ans. Cependant ce ne sera jamais un grand Jurançon, la faute au millésime sûrement. Je ne le garderais pas au-delà de 15 ans et on ne ressent pas une énergie débordante.
Belle émotion cependant.

10. Vignerons recommandés

Voici quelques vignerons que j'ai apprécié et que je vous recommande sans hésiter de part l'excellence et la typicité de leur production. N'hésitez pas à proposer d'autres vignerons qui vous ont plu en commentaires.

• Le Clos Lapeyre à Jurançon, qui produit des vins très classiques, qui vieillissent bien.

• Le domaine de Souch à Laroin, qui produit des vins pleins de pureté avec une grande précision aromatique, qui demandent du temps pour se faire.

• Le domaine Camin Larredya à Jurançon qui produit des vins précis dans leurs arômes avec beaucoup de d'intensité et d'équilibre, qui vieillissent bien.